DE L’AMOUR DE LA PROPRETÉ À L'AMOUR-PROPRE
Dr Jean-Pierre DRAPIER
6/8/2025
La Propreté Urbaine : Un constat douloureux
Pas besoin d’avoir les oreilles d’un psy pour entendre s’élever des plaintes sur la propreté. Et disons-le franchement ces récriminations sont plutôt justifiées. Interpellés, les élus municipaux répondent qu’ils sont conscients du problème mais font part de la faiblesse des moyens financiers et humains dont ils disposent. Et le problème s’aggrave selon la pente naturelle du cercle vicieux : puisqu’il y a des mégots je peux jeter des papiers, puisque tu jettes des papiers nous jetons nos canettes, puisque des cochons jettent leurs canettes je sors mes poubelles n’importe quand et sans emballage…
Propreté et estime de soi : Un lien profond
On sait bien que c’est toujours l’Autre qui est responsable mais…la responsabilité d’un Autre mythique ou de l’autre en tant que prochain n’exonère pas de sa propre responsabilité. Bien sûr que la propreté d’une ville ou d’un pays est une question d’engagement et d’orientation politique et que l’image qui est renvoyée au citoyen de sa valeur se fait aussi au travers de l’image de son cadre de vie : en effet, l’image que chacun a de soi ne sort pas toute armée de sa tête mais se fonde aussi sur ce que l’autre lui renvoie. Dis-moi comment tu me vois car cela influe sur comment je me vois. C’est toute la question de l’identification : elle peut aussi bien être du côté de l’identification à un idéal, qu’à une image ou un trait ou plus symboliquement à un discours articulé en mots ou pas. Au niveau identificatoire, un milieu dégradé ou sale renvoie à celui qui y vit une image sale ou dégradée de ce qu’il est. Son narcissisme en prend un coup et pourquoi ne pas se comporter, conformément à cette identification, d’une manière sale et dégradante? S’identifier au cochon ou au hors-la-loi qui dorment en chacun d’entre nous ?
Ce qui est vrai de l’acte politique l’est tout autant de l’acte de chacun : en salissant ou dégradant le milieu que nous partageons, nous renvoyons à notre voisin, à notre concitoyen l’idée que lui et nous ne valons pas plus que “ça”. Dans le même temps où nous le dégradons, nous nous dégradons. Jeter ses immondices par terre c’est un acte équivalent à un bras d’honneur : d’ailleurs, savez-vous comment on dit jeter par terre en latin ? Insultare qui a donné insulté en français et on comprend aisément le fil : c’est jeter l'autre dans la terre, la boue, la saleté. Le hic (encore du latin) c’est que l’insulte surgit quand on ne sait pas quoi dire, elle vient clore le discours. Dans les pires situations, ce sont toujours ceux qui gardent les comportements les plus dignes et les plus solidaires -qui n’insultent pas son frère humain et l’avenir- qui s’en sortent le mieux et donnent une chance d’ouverture à la parole.
Le Printemps de Corbeil-Essonnes : vers le Dialogue
Alors, le Printemps de Corbeil-Essonnes vous propose de l’ouvrir et de chercher ensemble des solutions ; pour cela rien ne vaut la parole et l’échange. Non pas que la parole ait des effets magiques mais c’est le seul moyen que l’homme a trouvé pour sortir des identifications imaginaires et pour coexister d’une manière civilisée. Je ne peux m’empêcher de conclure avec le Freud du “Malaise dans la civilisation” : il définissait celle-ci comme “la totalité des œuvres et organisations dont l’institution nous éloigne de l’état animal de nos ancêtres et qui servent à deux fins : la protection de l’homme contre la nature et la réglementation des relations des hommes entre eux."

